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L’ivresse des rimes, Laurent Bourdelas

décembre 19, 2012

L’ivresse des rimes. (Stock « Ecrivins »). Novembre 2011. 150 p. 14 €

Ecrivain(s): Laurent Bourdelas Edition: Stock

L'ivresse des rimes, Laurent Bourdelas

Laurent Bourdelas nous invite à une promenade délicieuse. Pensez ! Dans les rues et bistroquets du vieux Paris du XIXème siècle, entre Procope et Café de Bade, en compagnie de Lamartine, Vigny, Baudelaire, Rimbaud, Mallarmé et quelques autres compagnons de « beuverie poétique » tout aussi prestigieux ! Et aussi quelques autres, moins connus mais tout autant passionnés de rimes et de flacons ! Entre le plaisir des vers connus et inconnus, des crus célèbres ou des piquettes infâmes, nous errons dans les rues de Paris, ivres de vin, d’alcools et de littérature.

Au gré des rencontres, on passe de la noblesse de l’esprit des rimes (Victor Hugo !..) aux « poètes maudits » (dont la définition est empruntée à Myriam Bendhif-Syllas, ce qui n’est pas pour nous déplaire !)


« …l’appellation désigne désormais un poète qui, incompris dès sa jeunesse, rejette les valeurs de la société, se conduit de manière provocante, dangereuse, asociale ou autodestructrice (en particulier par la consommation d’alcool et de drogues), rédige des textes de lecture difficile et, en général, meurt avant que son génie ne soit reconnu à sa juste valeur. »

Laurent Bourdelas nous offre un beau livre qui ressemble au cœur de son propos : poétique et léger, délicat, gouleyant et joyeux. Comme un verre de bourgogne de bon tonneau. Rien ne pèse, rien ne dure. L’auteur a choisi de rythmer son parcours dans le respect de la chronologie littéraire. L’effet est particulièrement réussi : on lit en terrain connu des brins de rêve, de portraits, d’évocations, de souvenirs littéraires. On se régale tranquillement.


« (Au café Robespierre) Charles Baudelaire, sérieux comme un prêtre, s’asseyait souvent seul à table, devant une bière, fumait, mais écoutait aussi ceux de ses admirateurs qui venaient lui parler ou lui montrer leurs vers. »


Et, un peu plus tard, on retrouve Paul Verlaine au célèbre cabaret du « Chat Noir », cœur du Paris littéraire et buveur, « qui pratique l’alcool avec assiduité ».


« Au Chat Noir, la foule se presse sur les bancs autour des tables où s’entassent les verres. Elle fait parfois silence pour écouter les artistes. »


Et puis le ton se fait grave soudain.


D’abord pour évoquer l’autre versant du vin, celui qui ravage les hommes, les femmes, les familles. Celui qui rend malade, celui qui tue. Laurent Bourdelas convoque le grand Aristide Bruant :


«  Mon papa qu’adorait l’trois six/Et la verte/Est mort à quarante et sept ans/C’qui fait qu’i r’pose d’puis longtemps/A Montmerte »

Et un ton plus grave encore : La Grande Boucherie a ouvert ses portes lugubres.


« ça sent le sang, la chair, la pourriture, la terre humide. Les poux et les rats grouillent, et les hommes – tous les hommes -, et les écrivains, les artistes, les poètes crèvent. »


Le rouge joyeux du vin a laissé place au rouge sanglant du désespoir et de la folie des hommes.


Laurent Bourdelas signe là un livre plein d’esprit, de nostalgie, de poésie enfin, avec ce qu’elle détient, comme le vin, d’ombre et de lumière.


Léon-Marc Levy


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