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Aurélien Clause, poèmes

Mai 14, 2013

Le pont de Brooklyn un matin
Puis cette femme
La cicatrice à ses poignets
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La sirène enfle au croisement
Un taxi jaune
Y klaxonne un enfant muet
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Entre deux trains prêts à partir
Le souffle court
La femme embrasse un inconnu
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Au sommet des tours de New York
Le ciel est bleu
Mais nous marchons sous les nuages
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Le vieillard qui pousse un landau
A mon passage
Sourit en retenant ses larmes
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Sa peau de miel lorsqu’elle danse
Et qu’une goutte
De sueur coule entre ses seins
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Le pas hésitant d’un enfant
Derrière lui
Un couple l’observe grandir
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L’homme du parc tient une lettre
La tête basse
Il lâche son bouquet de roses
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Ses doigts glissent sur le piano
La jeune femme
L’observe en se mordant la lèvre
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Son réveil ne sonne jamais
Aux heures piles
Pour ne pas froisser les minutes
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Ils se pressent au bord du quai
Leur regard vide
Se perd le long des tunnels noirs
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Cela fait peut-être des mois
Mais je ne dors
Toujours que d’un côté du lit
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Seul le vent sait ainsi sculpter
Sans le savoir
Des châteaux de coton et d’eau
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Dans un sillon de poudre blanche
Ma craie de fer
Rayera l’ardoise du ciel
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Seules ses mains fines et blanches
Ne craignaient pas
L’incendie de sa chevelure
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Que restera-t-il à cet homme
Au cahier bleu
Quand ses rêves d’enfant mourront
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Quand nous nous laissons prendre au piège
De cette toile
D’araignée qu’est notre mémoire
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Jusqu’à cet homme elle avait cru
Sa maladie
Être un de ces maux romanesques
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Il écrit de petits poèmes
Comme une vierge
Se regarde dans le miroir
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Lorsque le sol par le hublot
Est pareil aux
Pages pleines d’un manuscrit
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Parfois elle parlait d’amour
Sans le vouloir
Avec la voix d’un égorgeur
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Il possédait les yeux glacés
Des galaxies
Et le cœur pur d’un assassin
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Puis elle goûtait son amant
Du bout des lèvres
Comme on goûte un poison douceâtre
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Ils s’étreignaient d’autant plus fort
Qu’ils avaient vu
La nuit entrer dans leur poitrine
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Elle aimait les lèvres des hommes
Puis dans leurs bras
S’effarouchait d’un peu d’amour
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On ne devient vraiment un homme
Qu’après avoir
Porté en soi la déchirure
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Nous sommes les seuls animaux
Mon bel amour
A contempler le désespoir
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Père regardez mon visage
Et dites-moi
Ce que vous voyez dans ces yeux
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Quel effort quand tu me supplies
Ami soucieux
De pactiser avec ce monde
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Ces jours où nos ombres s’étirent
Parmi les feuilles
Brûlées par le soleil d’hiver
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Son beau regard rouillé de larmes
Fixait les rails
Rougis par le départ du train
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Quand les voix sourdes se tairont
Nous laisserons
La nuit glisser sur nos paupières
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Levez vos yeux lourds de sommeil
Le paradis
N’est qu’une mer de soleils morts
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Les saisons ont fané sa peau
Mais il demeure
L’enfant qui sifflait les passantes
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L’enfant me montra les étoiles
Et m’apprit que
Le soleil est plus beau couché
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Mon Brooklyn de briques rougies
Laissait tanguer
Ses ponts cousus aux quatre vents
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Derrière la barque fragile
L’eau se referme
Comme deux lèvres affamées
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Cheminée du crématorium
Ce souffle blanc
Des morts redevenant poussière
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Contours sépia des jours heureux
Qui me sourient
Sous la poussière du tiroir
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Un soleil pris entre les branches
Ses rayons pâles
Qui se dérobent à mes doigts
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Tapie à l’ombre des passants
La main tendue
Ses yeux traduisent le néant
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Ombres mouvantes du passé
Prises sous verre
Dans le musée de ma mémoire
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Corridors sombres du cerveau
Où sont tapies
Des silhouettes que j’ai aimées
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Les mains croisées sur le drap blanc
Elle regarde
L’infirmier raser ses cheveux
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Elle poignardait son chignon
D’un fin pinceau
Pour faire fuir les cheveux blancs
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L’averse de sa chevelure
Sur mes paupières
Pas moins légère qu’une larme
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Tellement de mots et de larmes
Se sont fanés
Pour une chose si muette
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L’homme au manteau presse le pas
Son chapeau noir
Le tient comme une ombre greffée
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Tu entendras d’autres promettre
Ce que tu fuis
Mais que tu désires pourtant
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Ouverts dans le flanc de la page
Trois petits vers
Pour égratigner l’infini
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Les foules noires s’engouffraient
Courbant l’échine
Dans la gueule d’or du métro
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Cris d’enfants qui jouent dans la rue
Contre sa joue
Le froid de l’oreiller mouillé
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Lointain froissement du ressac
Par la fenêtre
Comme la robe d’une amante
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Cette aveuglante obscurité
Sous ses paupières
Quand il s’étend face au solstice
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Clins d’œil fraternels des lucioles
Qui s’évaporent
Comme des gouttes de soleil

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L’enfant vagabonde au hasard
Des carrousels
Les semelles encrassées d’ombre
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Elle observait dans le miroir
Un corps de femme
Qu’elle ne se connaissait pas
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Wagon qui bat son pouls rouillé
Ses rails se perdent
Au pied des perce-ciel muets
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L’eau qui s’attarde à mes carreaux
Paraît parfois
Avoir la couleur du silence
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Planètes en apesanteur
Je vous ferai
Eclore et mourir dans un souffle
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Battement de cils aériens
D’un papillon
Ailleurs se lève une tempête
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Aurélien Clause est étudiant en école de commerce et ancien khâgneux. Il anime l’association littéraire Trois Lettressur mon campus, et publie en tant que traducteur aux éditions Synchronique.

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