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Maxence SAINT-VAHL

avril 17, 2020

J’ai encore rêvé d’elle : se peut-il que mon amour pour elle soit comme un fleuve souterrain, intermittent et secret, qui coule au fond de mon cœur, irriguant sans que je le sache les régions de sa surface ? Je rêve qu’elle me prodigue baisers et tendresses puis je m’éveille, étonnée de retrouver presque intacte cette étrange passion que je croyais éteinte, ou plutôt tarie. Cette passion semble en réalité n’avoir jamais cessé de couler dans les profondeurs de mon cœur, inquiétante nappe phréatique, infinie réserve de douleur et d’amour sans retour, qui pourtant constitue peut-être la source de mes amours présentes et leur indispensable réservoir. Ce courant des profondeurs reste invisible et je ne l’aperçois que lorsque la couche superficielle de mon être s’amincit, car, de même qu’en voyage le paysage change parfois pour devenir désert et moins boisé, si bien que l’on distingue nettement le relief et que l’on sent affleurer la structure de ses profondeurs, de même au cours de sa vie, lorsqu’on est loin de chez soi, de ses occupations et affections ordinaires, l’on parvient en des endroits semblables, presque vides, où refluent des réalités intimes et très anciennes qui n’ont jamais cessé et qui forment l’ossature même du moi. Mais, malgré tout ce qu’il charrie de hontes, de douleurs et de déceptions, ce fleuve souterrain n’en est pas moins fleuve : il irrigue, abreuve et fait naître en mon cœur toutes sortes d’espèces de sentiments, de réflexions et de sensations qui ne lui sont que très lointainement apparentés, et qui mèneront bientôt une vie tout à fait indépendante.

© Extrait inédit
© Image Lou Le Cabellec
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