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Alain Minod, poèmes

février 4, 2013

DES EFFLUVES CHAUDS DES MOTS POUR UN PARTAGE

Des effluves chauds de mots je tire un partage
D’où je fais sortir le moindre de mes voyages –
A comptes très serrés – l’illusion est parfaite –
La grande passion d’y errer n’est pas surfaite

Ma voix accompagne des femmes en fantaisie –
De la vraie lune des veilles elles ont tout saisi
Mon cheval entre silences et rires se lance
Il rentre dans les purs galops de la présence

Non bridé par les bruits il saute les obstacles
Il brille du temps des amants – en beau miracle –
O ce charme secret qui attire toutes mes flèches
Non ! Mon encre – vraiment – ne sera jamais sèche

Je vois ceux qui dans leur sagesse élaborent
Une langue contre le labeur qu’ils abhorrent –
Et j’entends l’amitié qui féconde ma muse
Elle fait le tour du monde et cependant ne ruse

Aux étoiles cachées je dis mon sentiment
M’élevant en un rêve qui pourtant ne ment –
Il brûle à mes lèvres – incendie à la distance –
hululant pour les yeux dits en luminescence
.
.
.

LE COURAGE DE LA JOIE

Quand les murs dans le silence
Se marient avec la nuit
Quand les enseignes y encensent
Le carreau noir qui reluit
De tant et tant de couleurs –
Le sens alors vivifie
Toute la veille à son heure
Lançant au temps un défi

Maintenant l’instant démonte
Le ciel tout fardé de gris
Vers des bleuités d’éponte
Qu’il ne faut à aucun prix
Déramer d’une parole
Dansant la nouvelle année
Pour ces voix que l’on enrôle
Au creux du cœur qui renaît

Pauvre – pauvre petite âme
Aguichée au souvenir –
De tant d’amour tu désarmes
Devant tous ces fins sourires
Qui – gui l’an neuf – pour offrande
Tentent des chants de venelles
Sans supplier qu’on leur rende
La musique de leurs veilles

Et les voix des femmes alliées
Chuchotent si peu l’oubli
Que – muses réconciliées –
Te soufflent alors parolis
Pour gonfler ton seul pari
De conquérir au silence
Des fontaines non taries
Par les mots de la distance

Char – Pétrarque réunis –
« Lettera Amorosa »
Se défait de tout déni
Par le « tabula rasa »
De l’amour en ses domaines
Visibles à une jeunesse
Que ne termine en « amen »
Les beaux chants de la vieillesse

Car en un même courant
Animé de tant de flèches
S’allume l’Eros errant
Comme d’autant de flammèches
En attraction magnétique
Qui se fond en tout désir –
Echaudée par sa musique –
Âme ne joue beau sire

Joie adamantine au mur
Redis les mots de toujours
Qui reviennent à toute allure
Déposer de grands ajours
Dans le calme de la nuit –
En spasmes de lumière
Là où tout semble avoir fui
En grandes ombres et courants d’air
.
.
.

MUSIQUE ET MUSE CHAIR DE LA NUIT

Nuit de tous les revenus
De la ville nue
Dans la veille
Que la musique
Aux sources d’amour
Appelle au-delà du seuil
Du nouvel an

Nuit que mon treuil
De vers traîne jusqu’au jour
Dans une tendre ivresse

Nuit au rock qui rentre dans
L’âme sillonnée au ventre
Aiguillonnée en battements constants
Que la joie anime

Nuit que les rencontres habillent
Où la solitude nettoyée
Par l’amitié
Lève les
Rêves

Nuit où fuit l’ennui
A la vitesse du désir
Sous l’allumoir du partage
Rythmé sans-cesse
Par l’instant

Nuit – Est-ce telle veille
Qui fait vibrer les sourires
Aux cordes de Muse
Sans ruse à
L’hameçon
Du désir

O merci en mille renouveaux
Que pas un morceau
De temps
N’abîme ou
Ne vole

Nuit d’envol-papillon
Au poème-suc
De l’instant
A la trame
De fleurs

Nuit-chouette
Au chant inépuisable
Où s’entête et finalement
S’enroule le fil du proche
Rimé contre le lointain
Ainsi fauché
En pleine
Lueur
De musique imprenable
.
.
.

CELA BAT DANS LE CŒUR DU POSSIBLE

Veille – Éveil
Lente immersion dans le son
Brutale injonction d’un sens
Cela bat dans le cœur
Du possible

Soupeser la hauteur de l’être
Dans une voile qui hale l’entier
Partant d’un point de source

Toujours pour s’arracher au temps courant –
Siphonner – trouer la surface
Des choses
Et larguer les amarres
Cachetées dans la lettre
Ouvrir la lettre –
Elle vivra
Dans
L’instant du partage

Toutes langues dans l’insu –
On décorsètera sa propre syntaxe –
Dégageant le ventre à nu
D’un poème à peau
De biche
On le découvre
Échappé des chasses du hasard –
Revenu dans la ville profonde
Mais toute dégarnie –
Rendue à ses
Secrets

On rentre dans la nuit
Opérant un tour d’horizon
Autour des herses d’arbres –
L’hiver au crin de loup
En leur travers –
Ne mordra ni
N’avalera le verbe
Devenant incandescent

L’œil vif sous la flamme
De l’instant déligoté
Attrape des amours –
Les passant au baiser d’un temps
D’éternité

Une source aura déjà coulé –
Déhanchant les précipices sur les deux bords
De la nuit – entre ombres et lumières

Un vent d’océan
Courant aux rives d’avenue –
Les lèvres des passages
S’humectent du
Lointain
En dansant
Des aventures de fête

Et – au promontoire de ses désirs –
On ouvre le chant qui avait été
Hanté par les départs –
Avec – dans la tête –
La douce mélodie
Du silence
Rendu à la proximité –
On entend les voix chaudes
De la compagnie

Contre-point aux muses qui rient –
On gagne toute la musique
Qui relie :
Résistance nocturne
A la grande absente aux fenêtres
De l’être qui ne partage pas

Et la lumière dans le prisme du hasard –
La lumière qui le déshabille
Et offre un équilibre
Sur les abîmes –
Garde la veille
Qui recharne
Les corps tremblants du désir

Tout rayé de nervures –
L’âge du poème défait lentement
La surface des miroirs
Où hurlait la face
Glacée du temps –
Présence
Aux successions sans hâte –
De la nécessité du voir
Et de l’écoute

Âme comme forme
Sans libellé du bal traçant
Tous les instants en une seule fugue –
Là – dans l’amitié conquise –
Nul passage ne la brisant –
C’est la veine de tous
Les passages sur le
Quai des départs

Bornes lavées – nettoyées puis sautées
Pour vider la distance
A parcourir :
Un chœur dans la nuit
Et le sens plongé dans
L’appel corné du son –
Entre dans les multiples chemins
Sans ce martellement unique
De l’arpenteur de l’allure –
Qui encrasserait les voix
Au point battant de
Leur orchestre

Nulle tête d’ange
Aux feux courants dans
La périphérie –
Un seul centre – sans hâte –
Construit de pas en pas
Contre le prurit
Du temps
Hachant le plaisir

Un seul sang dans tous
Les échos flambants
De la parole –
On les entend – lancés
Vers le tard – faire
Résonner au loin
Les fibres de
L’amitié

Grandes chaînes desserrées
Dans de petits liens
Qui prolongent
La présence
Jusqu’au creux silencieux
Des solitudes dispersées –
Alors est à leur fabrique :
Le long et doux havre
D’un poème :

Une offrande sur un plateau de porcelaine –
Fragile mais ciselé de mille
Figures et fleurs
Avec fond réel
A formes d’idées allongées
Dans le rythme fugace de la veille –
Un seul plateau pour
Mille partages
Déjà là
Comme mille fruits
D’un pays au soleil pour tous

Offrande pirate au comble
De toutes les sources
Rassemblées sur
Une embouchure proximale –
Toute distance désertée :
Ivresse consommée –
L’instant unique
Sans dérive –
Aux veines gonflées
Par le hasard redonné
En bonne Fortune –
Filtre l’impossible –
Ce réel comme un ciel étoilé
De présence urbaine

Sans brume mais
Dans les quatre vents
De l’incertitude :
Un poème qui se sera arraché
A ses lunes – défait le voile
Du souffle qui flottait insistant
Sur la présence

Ce poème – non pas transparent
Mais rentré derrière
Une pépinière
D’arbres fruitiers
Où dansaient les muses
Un poème derrière une fontaine
Où se désaltérait Hermès
Un poème sans autre
Voix que les multiples
Voix ouvertes sur
Le gué des rues
Ne chute pas
Au rappel
De ses sources
Mais libère la pulpe
De tous ses fruits
Au moment où
Il les donne

.
.
Alain Minod s’est essayé à la poésie , dès son plus jeune âge , après avoir lu Rimbaud ( les illuminations ) et s’être initié au surréalisme . Pratiquant à la fin des années 60, la poésie d’intervention ( en particulier dans des foyers de jeunes travailleurs et des foyers d’éducation surveillée ), il a, par la suite, fait un long détour par la philosophie et s’est mis à écrire d’une façon continue à la fin des années 80 . Il n’a publié que deux livres qui portent le même titre  » La ville où le nulle part a lieu » , le deuxième , avec un sous-titre : « Le proche et le lointain  » . Sa poésie est inscrite dans l’Ici et Maintenant , oscillant entre néo-classicisme et  » lyrisme abstrait » , ce toujours référencé à des lieux et espaces singuliers d’expression . Quelque temps de fréquentation des scènes slam lui ont donné le gout de toucher un large public avec un gros travail sur la voix , ce qui reste de plus caractéristique dans ses poèmes , c’est cette approche de la poésie à l’écoute des voix et , ce, dans un continuel effort de les imprimer dans chaque œuvre . Ses poètes préférés sont Mandelstam , Celan , Reverdy et Char et … Rimbaud . Mais il apprécie nombre de poètes contemporains dont Deguy , Roubaud , Dupin etc .
Il n’a pas le culte de la réussite , ni celui des salons et pense que le poète fait courir le son après le sens dans chaque œuvre , il ne croit pas aux critiques patentés ni à un retour à la rhétorique mais il aime marier le rationnel au mystère , à la magie du verbe .


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